Carrière du Stockenberg - Sur le terrain
Voir article de synthèse pour plus d'informations : Les migmatites
Géologie du site.
Le granite de la carrière du Stockenberg est un granite de teinte gris clair (Figure 1) plus ou moins ponctué de rose (Figure 2).
Figure 1. Bloc de granite extrait de la carrière du Stockenberg.
Figure 2. Détail d’une zone rose au niveau du granite du Stockenberg.
Il s’agit d’un granite porphyroïde à biotite qui présente également en ce site des amphiboles (Figure 3 détail) et qui appartient à l’unité des granites du Bramont, de la Schlucht et de Goldbach (Noté γ1-2 sur la carte géologique).
Figure 3. Détail du granite du Stockenberg avec identification des minéraux d’amphibole en baguette.
Cette unité granitique entoure, par l’Est, le massif de Grauwackes de la série d’Oderen (Viséen inférieur) chevauchée par la série du Markstein (Viséen indifférencié) au niveau de la ligne des klippes que l’unité granitique recoupe. L’unité granitique est donc postérieure à la formation et à la structuration des Séries schisteuses et volcano-sédimentaires d’Oderen et du Markstein.
L’unité pétrographique des granites du Bramont, de la Schlucht et de Goldbach a fait débat dans les années 1956-1957 étant donné des variations de compositions minéralogiques locales. Ainsi les granites situés à l’Ouest de la vallée la Thur (Kruth, col d’Oderen) et à l’Est de la faille de la Thur (Goldbach) seraient plus anciens que le granite du Bramont au Nord et lié à l’une des phases sudètes et surement intrusif au Viséen supérieur.
Les Phases sudètes sont des phénomènes tectoniques affectant les Vosges du Sud. La première phase (Sudète I) fait référence aux premiers plissements hercyniens d’axe Est-Ouest, à l’intrusion du granite des ballons (ballon d’Alsace) et à la fin de laquelle s’effectue le charriage de la série du Markstein sur la série d’Oderen. La phase sudète II, à la fin du Viséen correspond à une tectonique cassante et à l’intrusion du granite des crêtes.
Contrairement au granite du Bramont, granite monzonitique leucocrate à biotite et à teneur moyenne en quartz et alumine, les granites de Goldbach de la carrière du Stockenberg contiennent de l’amphibole, minéral ferromagnésien et des enclaves de roches plus sombres attribuées à des vaugnérites (variétés de syénite à microcline, plagioclase, biotite et hornblende, Figure 4). Ce constat appuierait alors la distinction précisée plus haut.
Figure 4. Enclave de vaugnérite probable dans le granite du Stockenberg.
Les granites de cette unité à laquelle appartiennent les roches de la carrière sont donc, d’un point de vue relatif, à dater entre l’épisode de mise en place des granites des ballons et des granites des crêtes.
D’après la thèse, publiée en novembre 2012, intitulée Le magmatisme des Vosges : conséquence des subductions paléozoïques (datation, pétrologie, géochimie, ASM) de Anne-Sophie Tabaud, les granites de Golbach sont associés aux granites des crêtes sous l’appellation CVMg-K. Ils sont datés entre 345-335 Ma et sont issus de la fusion partielle par apport de chaleur par désintégration radiogénique d’un mélange de magmas entre le manteau lithosphérique enrichi et d’un protolithe Protérozoïque. Les granites des ballons, nommés SVMg-K, présentent une origine du magma à la fois mantellique et issu d’un protolithe Cambro-Ordovicien.
En résumé, la relative richesse en éléments ferromagnésiens des roches de la carrière peut alors indiquer une origine assez similaire aux granites des ballons et des crêtes qui sont également riches en ces éléments.
Les roches de la carrière se seraient alors formées entre les épisodes de mise en place des 2 autres types de granites issus de la fusion partielle du manteau au cours de la subduction de la marge continentale Saxo-Thuringienne sous la marge continentale Moldanubienne. Au cours de cette épisode un coin de manteau lithosphérique Moldanubien délamine la lithosphère Saxo- Thuringienne. Dans cette configuration les roches de la croute amenées à une profondeur de 45-50 Km et portées à une température de 900°C ainsi que l’hydratation du manteau Moldanubien entrainent la formation d’un mélange de magmas crustal et mantellique. Celui-ci sera alors responsable de l’intrusion des plutons granitiques au sein des structures préexistantes du massif Vosgiens en cours de formation.
Les traces d’exploitation de la carrière.
L’exploitation du granite de la carrière du Stockenberg a consisté en la production de bordures de trottoir, de pavés, d’encadrement de porte et de fenêtre ainsi que de pierres tombales (ce granite est alors devenu granit !).
Un panneau explicatif de l’histoire de l’exploitation du site a été mis en place par le CPIE des Hautes-Vosges. Voici un résumé des informations que l’on y trouve et qui permettent d’interpréter certaines observations.
En effet, les traces d’extraction de blocs de granite sont repérables à différentes échelles : à l’échelle du front de taille, à l’échelle du bloc détaché et à l’échelle du pavé confectionné.
A l’échelle du front de taille, on remarque aisément des sillons sub-verticaux cylindriques en coupe longitudinale, il s’agit des traces de barres à mine qui étaient enfoncés à la masse dans la roche. Ces cylindres creusés permettaient alors, à l’aide de poudre noire explosive, de détacher des blocs de taille métrique de la falaise. (Figure 5).
Figure 5. Trace de barre à mine. Figure 6. Trace de coin métallique. Figure 7. Bords anguleux d’un pavé.
A l’échelle des blocs détachés on peut constater le long d’une arrête de la roche des encoches triangulaires (Figure 6). Celles-ci correspondent à des traces de coins métalliques qui étaient utilisés pour fracturer la roche en blocs plus petits afin d’être ensuite taillés. Il est également possible de trouver de telles traces isolées sur un pavé entièrement achevé au niveau de sa face inférieur.
Enfin, à l’échelle du pavé, on remarque la taille effectuée aux bords réguliers et aux arrêtes linéaires du bloc décimétrique (Figure 7). La taille était autrefois réalisée dans des caisses de sable.
Hydrogéologie du site.
Figure 8. Présence d’écoulement d’eau le long du front de taille.
Sur le front de taille, surtout dans la partie ombragée, on peut remarquer que la falaise est très humide. Il est donc opportun de chercher à comprendre l’écoulement de l’eau au niveau de la carrière.
Les zones où l’eau est repérable ne sont pas réparties au hasard sur la surface, en effet, des points de percolation et des directions d’écoulement sont constatés. On trouve par exemple des environnements humides au niveau de diaclases. Les diaclases sont des zones de fractures sans déplacement de roches. Néanmoins ce sont des zones propices à l’installation de végétations qui contribuent à la dégradation de la roche approfondissant ensuite ces fractures.
Il s’agit alors de lieu favorable à la résurgence d’eau ou à la stagnation d’abord puis à l’écoulement du trop-plein d’eau en fonction de la position des diaclases sur la façade.
L’eau qui s’infiltre alors au sommet de la falaise passe au travers un sol peu épais puis atteint la roche mère granitique partiellement poreuse. C’est ensuite le long des diaclases que l’essentiel de l’eau ruisselle (Figure 9).
Il n’y a pas à cet endroit de captage de source permettant d’approvisionner le réseau de distribution de l’eau aux habitants. L’eau continue alors sa progression vers l’aval, vers le fond de la vallée en forme de U.
La vallée de la Thur est une vallée glacière présentant un substrat rocheux alluvionnaire d’âge Würm à tardiglaciaire probable. Une reconnaissance hydrogéologique des couches alluvionnaires par sondage électrique et sismique effectuée par le BGRM en 1966 indique qu’au niveau de Saint-Amarin la puissance alluvionnaire est de 25m au moins. Les données de vitesse d’ondes sismique et de résistivité tendent à montrer la présence d’alluvions non colmatés.
D’autres forages, en amont de Saint-Amarin, donnent des épaisseurs de remplissage morainique et fluvioglaciaire de 70m. Un détail d’une coupe de 2m aux environ de Wesserling a permis d’évaluer la nature des alluvions. Il s’agit pour moitié de galets et graviers de granite essentiellement ainsi que de Grauwackes contenus dans une matrice d’arène granitique remaniée constituant l’autre moitié des matériaux en présence.
L’eau observée au niveau de la carrière s’infiltre donc dans les alluvions glaciaires qui sont alors roche "réservoir" d’une nappe phréatique ou formation aquifère.
L’approvisionnement en eau des habitants de la vallée s’effectue au moyen de 69 sources, d’une prise en rivière à Moosch, de la source du Tunnel d’Urbès et de 3 forages à Fellering, Oderen et Wildenstein. La part importante des sources à l’alimentation en eau des habitants à conduit le BRGM à entamer une étude de celles-ci afin d’évaluer leurs comportements face au réchauffement climatique (épisode de sécheresse, accumulation de précipitations).
Figure 9. En blanc le réseau de diaclases ; en bleu les eaux de ruissellement sur le front de taille ; en vert les points de percolation.