Thalhorn - Exploitation pédagogique
Le but de l'étude de ce site est de reconstituer l'histoire géologique du lieu en identifiant les roches observées sur le terrain.
Pour une commodité d'avancée dans la sortie, il est possible de traiter en parallèle l'aspect glaciaire de la vallée de la Thur ainsi que l'ophiolite du Thalhorn.
Nous proposons 4 sites d'étude avec, pour chacun d'eux, des exploitations possibles avec une classe.
Site 1. La carrière et ses abords.
Pour se rendre sur le site de la carrière il est nécessaire d'emprunter le chemin qui quitte la route à gauche et de passer la barrière de clôture du paturage (ne pas oublier de fermer la porte pour celui ou celle qui ferme la marche) puis de monter les quelques lacets du chemin.
La carrière se laisse découvir à gauche d'une avancée de roches, sur un plateau, au niveau duquel on observe également le paysage de la partie amont de la vallée ainsi que le verrou glaciaire du Schlossberg.
3 exploitations peuvent être réalisées sur ce site.
Exploitation 1. La carrière.
- Un croquis de la carrière dans son ensemble peut être réalisé afin de mesurer son étendu et de communiquer sur la notion d'échelle. Une remarque est à faire concernant l'instabilité des roches sur un front de taille très fracturé et hydraté (les blocs décimétriques à la base en témoignent).
Cet aspect fracturé est à représenter à côté de veines de serpentine bien visible sur les blocs de taille métrique éboulés.
- La présence de veines et de plaquages en écaille de couleur verdâtre est à interpréter comme une transformation de cette roche, il s'agit d'un minéral qui s'est mis en place à partir de la roche noire formant la masse de la carrière. Il s'agit donc d'une transformation secondaire de la roche.
- Pour aller plus loin dans l'interprétation il est possible de proposer aux élèves une observation d'une péridodite non métamorphisée. L'identification des minéraux nous donne une composition en olivine et pyroxène.
Si la précision du type de pyroxène est fourni, il s'agira d'orthopyroxènes, il sera alors possible de placer la roche dans le diagramme triangulaire des péridotites et pyroxénites ce qui conduira à l'identification d'une Harzburgite.
Diagramme ternaire des péridotites permettant de déterminer une Harzburgite. (Source Wikipedia).
Cela a son importance pour démontrer que la roche de la carrière une roche résiduelle d'une fusion partielle. En effet, la description d'un diagramme ternaire Enstatite (pôle Mg), Diopside (pôle Ca), Grenat (pôle Al) avec une composition de manteau fertile situé proche du pôle Enstatite du diagramme permettra de confirmer qu'une roche composée majoritairement d'orthopyroxènes (à l'exception des olivines) est le résultat d'une concentration en Magnésium dans le solide à la suite d'une fusion partielle.
Diagramme eutectique mettant en évidence l'enrichissement en orthopyroxène du résidu solide d'uen fusion partielle de perdidotite issue du manteau fertile. (Source C. Nicollet).
Un lien avec les Gabbros situées plus haut sur le Thalhorn et plus bas dans le texte, permettra alors de concevoir l'ensemble du massif comme ayant une unité lithologique.
- Pour finir, la Harzburgite présentée n'est pas la roche de la carrière, il est encore nécessaire de parvenir à une transformation de celle-ci afin d'obtenir la serpentinite visible sur site. La serpentinite de la carrière constitue une péridotite ayant subit un métamorphisme hydrothermal. La serpentinisation est la transformation en serpentine de minéraux ferromagnésiens, en particulier l'olivine dans les roches magmatiques basiques et ultrabasiques sous l'effet de la circulation d'eau chaude dans les fractures de la roche. La réaction est du type : olivine + eau donne serpentine + brucite.
Au cours de cette exploitation on propose donc une histoire de la génèse de la roche de la carrière.
Exploitation 2. Les microgranites.
Les microgranites entourent la carrière, une bande de microgranite est observable à droite quand on se place face au front de taille. Un échantillon présentant une cassure fraîche est facile d'accès au pied de cette bande de roches qui forme un talus.
- Une description de la texture et de la composition en minéraux est possible sur place, des loupes peuvent être emportées pour une meilleure observation.
- Comme cette roche est constituée de plus de 10% de minéraux clairs (Quartz, Feldspath) on peut retrouvez le nom de la roche en utilisant le diagramme de Streckeisen. Les proportions de la roche en minéraux blancs sont : Quartz : environ 50% ; Feldspath alcalin : environ 25% ; Feldspath plagioclases : environ 25%. On obtiendra ainsi un granite mais la texture n'est pas grenue. Les élèves auront l'idée d'une texture microlithique.
- Afin de comprendre cette observation inhabituelle, une photo d'une lame de microgranite peut être proposée aux élèves. Ils distingueront ainsi une roche entièrement cristallisée à l'échelle microscopique, ce qui fait de cette roche une roche microgrenue et donc de par sa composition un microgranite.
Dessin d'une lame de microgranite observée au microscope (grossissement 40 X).
Q : Quartz, B : Biotite, FA : Feldspath Alcalin, Fpl : Feldspath plagioclase.
- L'explication de la mise en place de cette roche peut se faire à l'aide d'un diagramme montrant la vitesse de croissance et la densité de nucléation en fonction de la température. Pour obtenir une roche microgrenue on se trouve dans un domaine où la densité de nucléation est supérieure à la vitesse de croissance ce qui se produit proche du solidus c'est à dire pour des températures faibles. On en déduira une cristallisation proche de la surface / dans un filon dont le refroidissement se produit assez rapidement.
- Un approfondissement est encore possible si l'on comprare ces microgranites aux granites du Bramont. La composition chimique est la même et on peut donc attribuer à ces deux roches une origine magmatique commune et un âge similaire. Une datation relative indique que les granites du Bramont sont postérieurs au Viséen, c'est à dire postérieur à 330 Ma (car ils recoupent les sédiments viséen de type grauwacke).
L'observation des microgranites permet alors de comprendre une mise en place proche de la surface d'un magma postérieurement au Viséen.
Exploitation 3. Le paysage glaciaire de la vallée de la Thur.
- Il est ici possible de réaliser un croquis du paysage et d'y indiquer les verrous visibles depuis le point de vue qu'offre la carrière.
- Une observation en parrallèle de la carte géologique de Munster permet de montrer que les roches des verrous sont de mêmes natures que les roches formant les versants des montagnes. Les reliefs au sein de la vallée ne sont donc pas des amats de roches mobilisées ou remagniées (c'est à dire qu'il ne s'agit pas de moraines) mais sont des vestiges non érodés (substratum de la vallée glaciaire que l'on peut considérer comme des "roches moutonnées géantes").
- La composition des roches formant le fond plat de la vallée peut être donnée par le tableau de la Fig. 8. de l'article: Thalhorn - Sur le terrain : Indices glaciaires. On remarque alors la présence de roches mises en place à la suite d'une érosion et d'un transport (alluvions fluvio-glaciaires).
La mise en commun des deux observations conduit à la proposition d'une érosion glaciaire.
- Un approfondissement est ensuite possible pour expliquer les pentes asymétriques amont-aval du verrou en contrebas du Thalhorn, le Baerenberg. La démonstration a été réalisée dans le même article: Thalhorn - Sur le terrain : Indices glaciaires.
Site 2. Aux environs de la cabane en parpaings.
En continuant le chemin sur la gauche se trouve sous les arbres un affleurement de grauwackes, ces roches constituent l'exploitation numéro 4 et appartiennent au substratum sur lequel l'ophiolite a été obductée. L'exploitation numéro 5 se réalise au niveau de la cabane et l'exploitation numéro 6 peut être réalisée en restant au niveau du plateau de la carrière. Ces deux exploitations sont relatives à l'érosion glaciaire.
Exploitation 4. Les grauwackes.
- La description de ces roches par les élèves va donner des indications sur sa nature. Il s'agit d'une roche grise avec un litage plissé visible sur l'affleurement. A l'échelle de l'échantillon, quelques petits minéraux noirs sont visibles ainsi que des plans parallèles entre eux. Il s'agit de plans de schistosité résultats d'un métamorphisme de faible degré. Ces grauwackes sont aussi nommés schistes du Treh. La roche est de nature sédimentaire.
- Afin d'identifier le type de roche sédimentaire il est possible sur place d'effectuer deux tests chimiques simples : un test à l'acide et un test de dissolution dans de l'eau. (Pour ne pas affecter le site un morceau de grauwackes provenant d'un autre site peut très bien faire l'affaire lors de ces tests).
Ces tests négatifs vont écarter les roches calcaires et évaporitiques. Par ailleurs, ces roches rayent le verre. On pourra alors valider une composition siliceuse. Il s'agit d'une roche volcano-sédimentaire / silicoclastique.
- Un approfondissement par des observations en laboratoire permettent d'en savoir plus sur l'environnement de dépôt des sédiments.
En effet, des fossiles microscopiques de tailles inférieures au milimètre ou microscopiques de conodontes et de chitinozoaires ont été observés au sein de ces schites.
Photographies d'un conodonte à gauche et d'un chitinozoaire à droite, microscope électronique à balayage.
Les Conodontes sont découverts par Pander en 1856. Ce sont des fossiles de très petites tailles, typiquement inférieures au mm. On pense qu'il s'agit de dents fossilisées qui appartenaient à des organismes proches des Vertébrés agnathes. Ces animaux, ressemblant à des anguilles d'aujourd'hui en beaucoup plus petit (quelques centimètres) ne sont trouvés que dans les terrains du Paléozoïque et du Trias. On les trouve dans les roches sédimentaires qui se forment dans les grands fonds marins. Dans un kilogramme de roche, on peut trouver de quelques dizaines à quelques centaines de Conondontes.
Les Chitinozoaires forment un groupe biologique aujourd'hui disparu de microfossiles marins à parois organiques dont la classification reste encore incertaine. Ils sont connus depuis l'Ordovicien jusqu'au Dévonien. Leur taille est comprise entre 50 et 500 micromètres. Les Chitinozoaires ont une forme d'urne, de tube ou de bouteille, le sommet étant fermé par un opercule ou un bouchon complexe. Certaines hypothèses proposent que ces structures représentent des restent de pontes d'organismes marins.
Ces fossiles sont caractéristiques d'un environnement marin profond. De plus des fossiles stratigraphiques de chitinozoaires on été découverts et son caractéristiques du Faménnien.
On peut donc ici réinvestir cette notion et comme le Faménnien est borné par des clous d'or on obtient un âge absolu qui sera postérieur à la datation des gabbros détaillés au niveau du site numéro 3 de cet article.
Les schistes du Thalhorn seront ainsi compris comme une roche sédimentaire silicoclastique de fond océanique d'âge Faménnien ayant subit un métamorphisme de faible dégré.
Exploitation 5. Les blocs erratiques.
A gauche de la cabane, sur un petit talus, on remarque des granites en boule.
- En faisant identifier ces roches aux élèves ainsi que les roches formant le talus, les élèves pourront constater une anomalie. Le substrat est différent des granites en boule qui semblent posés sur les microgranites.
- En rappelant les observations sur le paysage glaciaire de la vallée et en précisant, carte géologique à l'appuis, que les granites sont des granites du Bramont situés au N-W du Thalhorn, on comprend alors que l'on est en présence de blocs ayant été transportés par un glacier.
Exploitation 6. Le verrou du Schlossberg.
- A cette échelle du paysage, un croquis de la topographie générale peut être réalisé afin de localiser le verrou dans le fond de la vallée.
- Ce croquis se transforme facilement en coupe avec les données de la carte géologique. En effet, on remarque à l'Ouest et pour le verrou une composition granitique et à l'Est une composition de Grauwackes. Des plus on reperd des failles qui bordent le verrou.
- Sachant que les failles sont une zones où les roches sont déjà broyées et présente une plus grande fargilité il est possible d'expliquer la présence du verrou.
Les zones faillées correspondent aux gorges sous-glaciaires qui ont subi une érosion alors que le verrou a résisté à l'abrasion glaciaire.
Site 3. Le gabbro.
Pour arriver au gabbro qui se situe approximativement au dessus de la carrière il est nécessaire de contourner le massif. Pour cela il faut continuer le chemin jusqu'à un sentier qui part à gauche et dont l'accès est fermé par une porte de clôture de pâturage (il s'agit d'un sentier balisé par le Club Vosgien).
Après quelques constructions sur la gauche il est possible de monter en bâtard vers le sommet jusqu'à rencontrer un chemin qu'il faudra suivre à gauche. On laissera à droite la grande montée vers le sommet pour apercevoir au niveau d'un grand dégagement le rocher de gabbro en contrebas toujours à gauche.
- Sur l'affleurement les élèves pourront identifier les minéraux, déterminer la texture et utiliser le diagramme de Streckeisen pour identifier la roche. On donne pour cela les proportions de la roche en minéraux blancs : Quartz : 0% ; FA : environ 0% ; FP : environ 100%.
- Une observation fine permet de distinguer des minéraux de Hornblende entre les minéraux de plagioclase et de pyroxène.
Photographie du métagabbro du Thalhorn.
Le report de cette association minéralogique dans un diagramme pression température permet de conclure à un métamorphisme de faible pression et moyenne température (faciès amphibolite). Ce métamorphisme est a relier à celui constaté pour la serpentinite de la carrière.
- La thèse de Monsieur Etienne Skrypek p.189, 199 permet une datation absolue basée sur la méthode Samarium Néodyme. Les données fournies aux élèves leur permettront de tracer une droite isochrone et de calculer un âge (ne prendre que les valeurs pour Whole rock, plagioclase et pyroxène). Un âge de 372 Ma est attribué à ce gabbro.
Données et graphique obtenu à l'aide du logiciel Excel pour le calcul de l'âge du gabbro.
En conclusion on arrive comprendre la mise en place d'un gabbro il y a 372 Ma, roche plutonique océanique ayant subit un métamorphisme de faible intensité correspondant à de l'hydrothermalisme.
Site 4. Les conglomérats contenant les gneiss.
Ces roches se trouvent sur le bord droit d'un chemin qui débute à partir de la route sur la gauche juste avant le marécage.
Le passage par le haut à partir du rocher de gabbro est clôturé mais permettrait dans cette sortie la réalisation d'une boucle et éviterait un retour sur ses pas plutôt long.
- Dans cette exploitation l'élément du conglomérat le plus important est le Gneiss.
Photographie d'un conglomérat du site, 2 éléments gneissiques sont mise en évidence par des encadrés rouges. Une datation suivant la méthode Uranium-Plomb issue de la thèse de E. Skrypek est visible en bas à droite.
La description et une schématisation de fragments de Gneiss pris dans la matrice peuvent être réalisés par les élèves. Il s'agit d'une roche présentant des alternances de lits clairs composés de plagioclase et de quartz et de lits sombres composés de biotites. Cette zonation est interprétee comme le résultat d'une forte pression et donc d'un métamorphisme de forte intensité.
- Cette roche a été étudiée en laboratoire et des éléments temporels peuvent être exploités. Les données de La thèse de Monsieur Etienne Skrypek indiquent différents âges pour les zirons retrouvés dans le Gneiss. Une synthèse de ces données permet de considéréer un socle datant du Protérozoïque (1,4 Ga) ainsi que des évènements de réouvertures des systèmes cristallin datés entre -340 et -320 Ma.
On peut donc conclure à la présence d'une roche d'affinité continentale ayant subit un métamorphisme de haute pression contemporain à la mise en place des microgranites.
Conclusion.
La sortie permet de développer quelques aspect de l'érosion glaciaire à l'échelle du paysage et de l'affleurement.
La sortie permet également de retracer une histoire géolgique de la région avec la mise en place d'une plancher océanique il y a 372 Ma par fusion partielle d'une péridotite ayant subi ensuite un métamorphisme hydrothermale.
Le gabbro issu de ce magmatisme présente ce même métamorphisme.
De plus, les roches d'affinités continentales renseignent sur une collision ayant eue lien entre 340 et 320 Ma ce qui correspond à l'orogénèse hercynienne.
Le placher océanique (Serpentinite, Gabbro, Grauwackes) correspond alors à une obduction avant l'orogénèse.
Un document de synthèse peut alors être donné aux élèves pour affiner la dynamique globale ayant affectée cette région au cours du temps. Cette épisode peut ensuite être intégré au cartouche varisque de la carte géologique de France afin d'avoir un aperçu de l'ampleur de cette orogénèse en France.