Thalhorn - Sur le terrain : Indices glaciaires
Généralités
Le point de vue du Thalhorn est très intéressant pour comprendre le modelé glaciaire du paysage de la vallée de la Thur dont le tracé est courbe.
En effet, sur la bordure Ouest de la vallée, au niveau du radar nous sommes, entre Fellering et Oderen, à l'angle du changement de direction de l'axe de la vallée qui est orienté NW-SE pour la partie avale au Sud et NNW-SSE pour la partie amont au Nord. Ce qui offre une visibilité à la fois sur l'amont (Fig. 1) et sur l'aval (Fig. 2).
Fig. 1 Point de vue vers la partie amont de la vallée.
Fig. 2. Point de vue vers la partie avale de la vallée.
Une observation générale conduit à l'identification d'un fond plat, une plaine morainique, sur laquelle s'établi les habitations, ainsi que 3 hauts topographiques, le tout ceint par les montages. Ces reliefs, le Schlossberg (Fig 1), le Baerenberg et le Maerelberg présentent des morphologies que l'on interprète comme résultante d'une érosion glaciaire.
Le verrou du Schlossberg
Le relief du Schlossberg est constitué de granite, il s'agit du même granite que le massif à l'Ouest qui correspond aux granites du Bramont.
A l'Est du Schlossberg le massif est constitué par la série du Markstein formée de Grauwackes.
On remarque sur la carte géologique, deux failles parallèles à l'axe de la vallée, sous la plaine morainique, de part et d'autre du Schlossberg. La faille à l'Est correspond à la faille de Retournemer, mise en place au Viséen qui se poursuit jusqu'à Saint-Amarin. On peut donc proposer un surcreusement des zones faillées, là où les roches sont broyés par la faille et qui guident l'écoulement des eaux sous-glaciaires. (Fig. 3).
La présence de ces failles expliquent alors que l'érosion a moins affectée la zone centrale granitique et davantage les zones faillées laissant saillir le Schlossberg au cours de l'avancé du glacier.
Fig. 4. Schéma d'une coupe Ouest-Est au niveau du verrou du Schlossberg mettant e évidence les zones faillées.
Le verrou du Schlossberg est donc issu d'une érosion glaciaire de roches de nature différentes mais faillées. D'après Jean-Claude Flageollet il existe une érosion différentielle selon les roches présentes dans la vallée: les Grauwackes sont des roches plus tendre que les granites et cette différence de résistance à l'érosion est identifiable à l'échelle de la vallée où sa largueur la plus importante se situe entre Oderen et Willer-Sur-Thur. C'est à cet endroit que les Grauwackes sont présents sur les deux versants de la vallée (voir carte géologique, feuille de Munster).
Le verrou du Baerenberg.
A la différence du Schlossberg qui présente un profil topographique symétrique vers le Nord et vers le Sud à partir du sommet (Fig. 4), le verrou du Baerenberg présente un relief asymétrique caractéristique (qui se rencontre à différentes échelles d'observations) plus pentu sur le versant Aval, ici au Sud, qu'au Nord sur le versant amont (Fig. 5).
Fig. 4. Profil topographie du Schlossberg (sources : google earth)
Fig. 5. Profil topographique du Baerenberg (source: google earth)
Ce relief s'explique par l'avancé du glacier. En effet, la poussé du glacier s'effectue sur la partie amont du verrou, celui-ci exerce alors une réponse, une force, opposée à celle imposée par le glacier et perpendiculaire à la surface des roches du verrou. La résultante des forces conduit alors à mouvement à peu près parallèle à la surface du verrou. De plus la pression du glacier , plus forte sur le flanc amont favorise sa fusion. Il se forme donc une pellicule d'eau sous la glace, ce qui est propice au glissement du glacier sur le substrat rocheux. L'avancée de la glace chargée en blocs érode le substratum qui prend progressivement l'allure d'un profil lisse au cours de l'érosion.
En revanche, dans la partie avale, la glace fondue se retrouve dans des conditions de moindre pression et regèle ce qui conduit à la fracturation des roches, le relief est alors plus accidenté. L'érosion est donc progressive sur le versant amont suite à la poussée du glacier et l'absence de pression en aval conduit à un modelé peu affecté par le glacier.
Cette même figure d'érosion s'observe à une échelle plus petite au niveau de l'église d'Oderen visible en contrebas du Thalhorn.
Le verrou du Maerelberg.
Le troisième verrou de la vallée, la Maerelberg, bien que constitué des mêmes roches que le Bearenberg (grauwackes) ne répond pas de la même façon aux contraintes exercées par le glacier. Cela est sans doute lié à la présence de filons de granite orientés parallèlement à l'avancé du glacier. On observe en effet un creusement dans le grauwacke qui est encadré par deux masses constitués par les filons granitiques (Fig. 6 et 7). Ainsi l'érosion différentielle des roches serait à l'origine du relief particulier du verrou du Mearelberg.
Fig. 6 Observation du creusement au niveau du verrou du Mearelberg.
Fig. 7 interprétation du creusement au niveau du verrou du Maerelberg.
De plus, la faille de Retournemer se trouve à proximité de ce verrou. L'orientation du creusement qui est dans le même axe que la faille pourrait aussi être expliqué par la présence de cette faille. Celle-ci, en ayant broyé les roches, en a facilité l'érosion.
La plaine morainique.
Les verrous de composition correspondante aux montagnes des versants de la vallée émergent d'un fond plat dont la mise en place est d'âge quaternaire. On observe sur la carte géologique de Munster, au centre de la vallée principale, des dépôts notés F correspondants à des formations alluviales et palustres. Sur les bordures de la vallée ainsi qu'au niveau des vallées secondaires (Urbès, Mollau, Mitzach) on observe des formations glaciaires notés G d'âge Würm et parfois plus ancienne, d'âge Riss probable.
Des forages dont les données figurent dans la notice de la carte géologique de Munster permettent de définir les roches situées sous les dépôts récents (Fig. 8). Le forage 6-47 en amont de Wesserling indique une puissance de 70 m de remplissage morainique et fluvioglaciaire.
Fig. 8.
La dominance des roches granitiques sur les Grauwackes à cet endroit peut s'expliquer par l'importance du bassin versant à l'Ouest dont le substrat est formé par les granites du Bramont. Cela est d'autant plus probable que l'orientation de la vallée favorise un surcreusement sur la bordure Ouest à l'image d'un méandre de rivière.
L'ensemble des blocs empilés de granulométrie différente sont les débris arrachés par le glacier au cours de son avancé. La vitesse d'écoulement du glacier est plus importante au centre et diminue vers la zone de contact avec le substrat rocheux. Avec l'ajout du poids du glacier, les forces de frottement sont maximales en sub-surface du glacier contre les versants. C'est à cet endroit que l'érosion est alors la plus forte et le creusement glaciaire aboutira à une forme globale de la vallée en auge. Suite à la fonte du glacier (-12 000 ans à aujourd'hui), les éléments charriés par celui ci, ainsi que par les eaux de fonte du glacier puis par la Thur s'accumulent et créent une plaine alluviale, masquant partiellement la forme en auge de la vallée.
Les blocs erratiques.
En suivant le chemin vers la carrière puis vers une petite cabane en parpaings on trouve des blocs erratiques. Il est également possible d'en rencontrer vers le sommet du Thalhorn comme indiqué par le site de l'académie de Nancy-Metz donc le lien est rappelé ici:
https://www4.ac-nancy-metz.fr/base-geol/fiche.php?dossier=223&p=3descrip
Un bloc erratique en granite sur le substratum ophiolithique
Les blocs erratiques de la cabane sont facilement identifiables. Il s'agit de boules de granite posées sur des microgranites / des grauwakes ou le substratum ophiolithique. Les blocs erratiques de granites sont constitués de granite du Bramont et ont été transporté par le glacier sur les microgranites / des grauwakes ou le substratum ophiolithique. Après leur transport, ces blocs se sont accumulés avec l'ensemble des matériaux glaciaires de taille variée créant une moraine. L'altération du granite a conduit à la formation de boule de granite. L'éroion des matériaux les plus fin de la moraine n'a ensuite laissé que les blocs les plus gros sur place, formant les blocs erratiques que l'on observe aujourd'hui.
Mode de formation des blocs erratiques du Thalhorn.
Reconstitution du paysage
A partir de l'ensemble des observations réalisées, il est possible de proposer une reconstitution de la morphologie de cette partie de la vallée au cours de la fin de la dernière période glaciaire (période de retrait des glaciers vers 15 000 ans). Sur la reconstitution, le verrou du Maerelberg est représenté. Il commence à affleurer à mesure que la glace fond. Les eaux de fonte forment un lac proglaciaire dans lequel des icebergs peuvent s'accumuler.
Vue actuelle de la vallée de Thann depuis le Thalhorn.
Reconstitution de la vallée de Thann à la fin de la dernière glaciation. Photographie et dessin Q. Boesch.
Conclusion et prolongement.
Le site du Thalhorn permet donc d'observer l'érosion glaciaire à l'échelle du paysage et à l'échelle d'un affleurement (blocs erratiques).
En se déplaçant sur d'autres sites, les données glaciaires peuvent être complétées.
A titre d'exemple on peut approfondir l'érosion glaciaire à l'échelle de l'affleurement en allant sur le versant Est du verrou du Schlossberg, au niveau du site d'escalade, afin d'observer des stries glaciaires.
A l'Est du Schlossberg se trouve le Griebkopf visible du Thalhorn et dont l'accès est possible via la route du Markstein. Quelques blocs erratiques sont posés sur cette colline, il s'agit à nouveau de boules de granites sur cette fois ci un substrat de Grauwackes.
Le marais tourbeux du See d'Urbeis (lac de surcreusement glaciaire secondairement colonisé par la végétation et ayant évolué en tourbière) et les rochers moutonnées et striées sur le site de la cascade du Heidenbad à Wildenstein sont d'autres lieux, vestiges des temps glaciaires, mais leur étude dépassent le cadre du Thalhorn...
Roche moutonnée et striée de Husseren-Wesserling (grauwacke du Carbonifère strié au Quaternaire).