Graufthal : Sur le terrain
En arrivant à Graufthal, on voit rapidement la falaise verticale dans laquelle ont été construites les maisons des rochers. On reconnait assez facilement la roche à sa couleur et à son aspect : le grès rose des Vosges.
Déjà sur la route, pour arriver au hameau, de nombreux escarpements et murs de grès étaient visibles, en lien avec le réseau fluviatile actuel qui a profondément entaillé le massif vosgien (très visible sur la carte géologique), lui donnant son individualité.
Le site des maisons de rochers, 22 Rue Principale Graufthal, 67320 Eschbourg
A Graufthal, la masse rouge est plus importante avec une épaisseur totale de 350 mètres environ. Ce sont d'anciens sables fluviatiles issus de l'altération de roches granitiques préexistantes de la vieille chaîne hercynienne. Leurs cimentations après transport et dépôt sont à l'origine des grès, appelés dans ce cas roches détritiques et permet d’illustrer le phénomène de diagenèse.
Photographies des affleurements sur la droite et la gauche du site des maisons des rochers
En s’approchant de l’affleurement, les différentes strates présentes ainsi que des surfaces d’érosion permettent de discuter du principe de superposition.
On peut observer intercalations conglomératiques et sont subdivisés en bancs lenticulaires épais généralement de 0,5 à 4 m, par de minces intercalations silto-argileuses (ou par des diastèmes = érosion discontinue/interruption de sédimentation).
Détail de l'affleurement de grès des Vosges montrant les intercalations silto-argileuses
Les litages obliques observables à d’autres endroits de l’affleurement correspondent à des mégarides de courant ou à des barres fluviatiles vues en coupe. Ces structures sont formées par l’action d’un écoulement d’eau unidirectionnel. Les litages obliques indiquent des paléocourants dirigés vers l’est ou le nord-est (les litages pendent toujours vers l'aval). Les reliefs source de ces particules se situaient donc à l’ouest de notre région (emplacement du Massif armoricain actuel).
Strates, surfaces d’érosion et litages obliques dans le grès des Vosges sur le chemin d'accès aux maisons troglodytes (voir la visite virtuelle, 04 et 06)
Ceci illustre les multiples aspects de la dynamique d'une plaine alluviale où des cours d'eau divagants érodent ou déposent des alluvions sableuses. Les dépôts grossiers s'effectuent dans les chenaux et la décantation des particules fines (argileuses) se déroule au sein des plaines d'inondation. Malgré les nombreux indices caractérisant un environnement fluviatile, on peut observer le façonnement éolien de certain galet (galets éoliens à facettes résultant d'un long travail d'abrasion par le vent chargé en grains de sable). On peut ainsi reconstituer un paléoenvironement de type plaine fluviatile traversant une zone désertique (comme le Nil actuel) et un paléoclimat sûrement de type aride durant cette période. La superposition de niveaux plutôt fluviatiles et de niveaux plutôt éoliens peut s'expliquer par la divagation du fleuve au sein de sa plaine alluviale aride au cours du temps.
2 autres structures sont visibles au niveau du site :
- des fentes de dessication avec des dépôts sédimentaires de grès en lits plans, indice d'une période d’émersion,
- sous le surplomb de la falaise de grès sur le côté droit, il y a présence d’une érosion alvéolaire (morphologie qui ne doit pas être confondue avec un moulage de fentes de dessiccation).
Fentes de dessication et érosion alvéolaire du Grès vosgien
En levant les yeux sur l’affleurement, on observe nettement une superposition de 2 unités géologiques avec en bas le Grès Vosgien du Buntsandstein moyen et au-dessus le Conglomérat principal aussi appelé Poudingue de Sainte Odile très grossier et très chargé en galets de quartz et de quartzite dont la taille moyenne est de 2 cm.
Superposition des 2 unités géologiques à 2 endroits de l’affleurement du site
Le passage entre les 2 unités est net car il y a une érosion différentielle liée à la nature du ciment qui est en partie argileux : le grès est plus érodé et le conglomérat est en surplomb à cause d'une plus grande résistance à l'érosion.
Le grès, roche perméable à l’eau et formée essentiellement de grains de quartz, contient aussi des grains de feldspaths qui s’altèrent en se transformant en argiles qui se gonflent d’eau et fragilisent le ciment donc la cohésion de la roche. Les grains ainsi libérés peuvent s’accumuler au pied des pentes sous forme de sable riche en quartz.
Le conglomérat principal est plus résistant car il retient moins l'eau en raison de sa plus grande porosité.
Ce Conglomérat Principal est trop haut pour pouvoir l’étudier mais il y a un bloc a priori tombé de l’affleurement qui permet tout de même de l’observer de plus près.
Bloc à l’entrée du site et agrandissement (pivoté de 90°) permettant d’observer les intercalations conglomératiques
La lithologie permet de proposer un transport par l’eau de vitesses différentes (lien avec le diagramme de Hjulström). S'il y a un transport de galets, cela signifie qu'il y a plus de vitesse que lors du transport du sable. Cela peut s'expliquer soit par des pluies plus fortes (changement climatique vers un paléoclimat plus pluvieux, avec des pluies torrentielles) soit par une surrection des aires sources des matériaux détritiques, ayant pour effet d'augmenter la pente et donc la vitesse des cours d'eau.
La forme émoussée des galets (malgré leur grande dureté) indique un transport prolongé et, d’après le principe d’inclusion, ces galets ont été formés avant le grès qui les contient.
De l’autre côté de la route se trouve un petit espace vert ainsi qu’un pont qui permet de traverser la Zinsel. On accède à un affleurement de même type qui permet donc de montrer la "symétrie" des structures de part et d'autre de la rivière et ainsi mettre en évidence l’érosion « récente » du grès.
Affleurement de l’autre coté de la rivière et similitudes des structures sédimentaires