Mont Sainte Odile : fiche professeur
Le poudingue du mont Sainte-Odile
Accès à l’affleurement :
Juste avant le parking, là où la route est étroite, on voit très bien sur la droite des chenaux fluviatiles (photos ci-dessous). Devant l’entrée du monastère on descend par l’escalier à droite puis on suit le chemin vers la gauche, il permet de faire le tour du monastère. En rentrant dans l’enceinte du bâtiment, on peut également en faire le tour et avoir accès à de très beau point de vue. La pointe Est permet l’observation de la carrière de Saint-Nabor. Les roches que l'on peut observer dans cette carrière sont des formations volcanosédimentaires, des grauwackes (grès à matrice dont les produits d’origine sont volcaniques), datées du dévonien au carbonifère inférieur. Ces dépôts sont la traduction du démantèlement de la jeune chaîne hercynienne en voie de formation. De grandes quantités de matériaux détritiques sont déversées dans la mer. Il se mêle à ces sédiments de nombreux fragments de plantes ce qui témoigne de l'exubérance de la flore continentale, et d'abondantes projections à dominante andésitique.
L’affleurement :
On observe sur le chemin des affleurements d’une roche avec succession de strates de granulométrie variable : une strate à granulométrie fine puis une strate à granulométrie plus grossière. On remarque que les strates adoptent une forme en amende ou lenticulaire (de lentille).
Sections de chenaux fluviatiles
Une succession de bancs dans le conglomérat principal
On observe fréquemment dans les bancs un empilement de feuillets disposés obliquement par rapport aux limites de la couche. Ils constituent la stratification ou litage oblique dont le pendage, remarquablement constant d’un banc à l’autre, matérialisent le déplacement des matériaux d’amont en aval. Leur pendage Est rend compte du transport des sédiments de l’W vers l’E, des reliefs du bassin parisien vers la mer qui séjournait en Europe orientale. La face supérieure des bancs révèle parfois un ensemble de rides imprimées par des courants faibles ou par la houle.
Formation de litages obliques dans le lit d'une rivière
Les litages obliques sont bien visibles dans certaines strates
La stratification oblique se forme lors de la progradation des rides ou des dunes dans une direction comme le montre le schéma ci-dessous.
Stratifications obliques créées par des courants de direction constante
Stratifications en auges créées par des courants dont la direction varie
La roche :
Grès
C’est une roche sédimentaire, détritique et conglomératique, formée pour 50% au moins d’éléments arrondis, des galets exclusivement siliceux, blancs (quartz), et gris (quartzites et lydiennes), de diamètre supérieur à 2 mm (classe des rudites), liés par un ciment. L’arrondi des galets est dû à une usure mécanique (transport fluviatile assez long, agitation dans les vagues…). Ce sont des dépôts de fond de rivière. La puissance des couches atteint une vingtaine de mètres. Le reste de la roche est composé de grains fins, rosés, qui rayent le verre. La rayure de la roche produit un trait blanchâtre. On peut donc penser qu’il s’agit de grains de quartz collés par un ciment. Il s’agit d’un grès comportant de nombreux galets, c’est un poudingue. Poudingue vient de l’anglais pudding, gâteau traditionnel. La couleur rosée vient de l’oxyde de fer qui enrobe les grains de quartz. Chaque banc de grès peut être assimilé à un banc d’alluvions grossières, de sable et de galets déposés lors d’une crue, dont la durée varie de quelques heures à quelques jours. Mais entre deux bancs, des années voire des siècles ont pu s’écouler. La variation granulométrique entre les strates s’explique par une ségrégation, au niveau des zones nourricières, entre phase sableuse (mobilisable à chaque crue) et phase grossière (déplacée plus occasionnellement) tout au long de la progradation vers l'E.
Variation de granulométrie entre certains bancs
Des niveaux plus altérables de grès argileux se trouvent parfois intercalés entre les bancs de grès. La sédimentation de ces particules plus fines témoigne de la présence d’eaux calmes situées à l’écart des chenaux actifs. Elles avaient une existence temporaire qui est attestée par la fréquence des dessiccations. Lors d’une crue, les niveaux argileux étaient aisément fragmentés par les courants. Ils sont à l’origine des galets mous de couleur rouge sombre à brun, emballés dans les bancs de grès. On retrouve également, dans la plupart des couches, des galets argileux intraformationnels polyédriques provenant de dépôts de flaques démantelés par dessiccation et remaniement. Aujourd’hui soumis à l’affleurement ils s’érodent rapidement et laissent des lacunes rectangulaires dans la roche. Quelques rares fossiles de crustacés (esthéries) et d’insectes ont pu être retrouvés dans les niveaux les plus argileux. La roche est datée du Buntsanstein moyen (Trias inférieur) soit environ -243 Ma. Sa mise en place suppose l’existence de courants plus vigoureux. Il est interprété comme le résultat d’une réactivation des reliefs hercyniens ayant entraîné un regain des processus de l’érosion. Parmi les galets, certains présentent des facettes d’usure provoquées par l’action prolongée du vent. Ce sont les galets éolisés ou "windkanters". Ils sont l’indice de climats arides. Aussi n’est-il pas surprenant que ces grès ne renferment guère de fossiles, les conditions climatiques étant trop hostiles pour l’installation durable d’êtres vivants.
Ce conglomérat surplombe le grès vosgien dans tout le massif des Vosges comme le montre la coupe ci-dessous issue du guide géologique Vosges-Alsace. La dalle de poudingue est très résistante à l’érosion. Elle donne des tables subhorizontales qui donnent aux sommets vosgiens un profil caractéristique en forme de trapèze. C’est sur ces plateaux que se sont implantés de nombreux châteaux et places fortes.
Intérêt pédagogique :
L’observation de grains de quartz fins à grossiers, les galets, parfois l’observation d’un granoclassement, les bancs en forme d’amendes ou de lentilles qui s’entrecroisent, le litage oblique, permettent de reconstituer le milieu de dépôt. Il s’agit de nombreux lits de rivières qui se sont décalés latéralement au cours du temps. On peut donc imaginer un paléoenvironnement de type plaine d’épandage deltaïque. Certains marqueurs de sédimentation ont permis aux géologues de reconstituer le sens du courant qui allait de W-SW en E-NE. Le matériel détritique constituant les dépôts provient donc de l’érosion de reliefs hercyniens situés à l’W de l’actuel bassin parisien, en Bretagne et au Nord Est du Canada alors soudé à l’Europe. Le site permet donc de : - reconstituer l’histoire et la formation d’une roche sédimentaire, pour peu que l’on compare les observations avec la sédimentation dans une rivière actuelle. - reconstituer un milieu de dépôt et donc un paléoenvironnement. - Le point de vue à l’Est du couvent permet de faire l’étude d’un paysage (programme de cinquième) et/ou de montrer les grandes unités structurales du fossé rhénan.
Historique du site :
Classé Monument Historique (J.O. 16/02/1930)
Epoque préhistorique : Le promontoire est un lieu idéal de surveillance et de refuge. Le mur païen dont les archéologues discutent la période de construction est un ensemble mégalithique unique en Europe. La route d’accès actuelle emprunte l’itinéraire d’une route dallée de cette époque.
Durant la période mérovingienne, Au VIIème siècle, le duc Etichon règne sur l’Alsace. Sa femme, Bereswinde lui donne un enfant premier-né : une fille aveugle, la future Sainte-Odile. Rejetée par son père, la fillette est élevée dans un couvent. Elle y reçoit le baptême et est guérie de sa cécité. Revenue en Alsace, elle reçoit de son père le Hohenbourg et y érige un monastère qui devint florissant. Elle-même y meurt en 720.
Au Moyen-Age, le monastère est détruit puis reconstruit par Herrade de Landsberg. Ravagé ou profané au cours des siècles, le Mont Sainte-Odile devient la propriété de l’Evêque de Strasbourg en 1853.
Sainte-Odile est vénérée comme la patronne de l’Alsace. Les chapelles romanes, l’église conventuelle Sainte-Marie du XVIIe siècle, le cadran solaire, le site et le panorama sont remarquables. Un sentier pédestre fait le tour du rocher qui porte le monastère. La source Sainte-Odile se trouve en contrebas, ainsi que le mur païen.
Bibliographie :
Alsace, des fossiles et des hommes, Jean-Claude Gall – Ed. La nuée bleue
Guide géologique Vosges/Alsace